Avec "Et l'homme créa les dieux" (voir la notice dans notre catalogue en ligne), voici une bande dessinée étonnante qui propose une lecture à la fois anthropologique, psychologique et biologique du fait religieux. Il s'agit d'une adaptation illustrée de l'essai éponyme qui avait été publié par Pascal Boyer en 2001, il y a vingt ans de cela.
Cette bande dessinée a pour ambition de rendre plus accessible et plus agréable à la lecture, dira-t-on, même si le propos reste touffu et complexe : plus qu'une simplification il faudrait parler d'une transposition! Cet essai n'est en aucun cas une charge antireligieuse même si la plupart des croyants pourront certainement être désarçonnés devant le faisceau d'explications rationnelles qui sont avancées pour expliquer comment "croire" fait sens pour l'homme relié avec les siens.
En somme, à travers l'essai de Boyer, transformé par Joseph Béhé, la religion est étudiée sous un aspect que l'on peut qualifier de "clinique" : distant, technique, rationnel, mais aussi empathique, puisque les auteurs visent à comprendre ce phénomène de la croyance, aussi vieux que l'humanité, et non pas à le démolir comme le feraient sans ambages un Dawkins ou un Onfray. En ce sens, il vaut la peine de relever que le titre même de l'album est un peu trompeur, comme le reconnaissent les auteurs dans une interview conjointe parue dans le journal Réforme :
Pendant quelques années, j'avais envie de changer le titre parce que cette formule est un peu iconoclaste. Elle vise à dire le contraire de la Bible et à interpeller sur l'existence d'une seule vérité. Or Pascal Boyer n'essaie pas non plus de démontrer que cette idée est vraie ou non. Je ne dirais pas que les hommes ont cré les dieux mais que l'esprit humain est fait de telle sorte qu'i peut assez facilement adhérer à cette idée. Comprendre des phénomènes n'empêche pas d'y adhérer ou d'y succomber, selon les cas. Le fait de comprendre le fonctionnement de notre cerveau n'empêche pas de croire, de la même façon que connaître la chimie de l'état amoureux n'empêche pas de tomber amoureux. Réforme, no 3'888, 4 mars 2021, p. 12-13.
Nous avons en tous les cas, avec cette bande dessinée un objet pesant (1,77 kilo!) qui donne à penser et qui nourrira certainement la réflexion de chacun d'entre nous.
Robin Masur, Chef de service du CIDOC